- Jean-Claude Demay, Ce que je connais d’elles, Éditions Le Manuscrit, 2009, 130 pages
Jean-Claude Demay n’en est pas à son premier coup de maître. Le volume À la Santé de mes cafards, qui réunit trois de ses textes majeurs (dont le terrible et fascinant « Frères de la douleur »), a assez montré quel génie est cet homme méconnu.
Ce que je connais d’elles change de registre, mais toujours avec la même langue incroyable de force et de musique. Aux accents de peine et d’angoisse effrayante des écrits antérieurs, succède, avec ce livre, un chant d’amour absolument inouï. Il faut entendre son titre au sens plein : « connaître » a sa signification biblique, d’autant plus que l’érotique du livre conduit à l’amour mystique, et le pluriel d’« elles » n’a rien d’anodin. Pourtant, jamais ce chant ne verse dans le scabreux. L’amour des femmes est célébré dans son ampleur universelle, selon une intuition qui rejoint celle de Dante ou de Bernard de Clairvaux.
Je ne saurais décrire le style de Demay tant il est singulier. Il est lyrique (quand on lit en détail Ce que je connais d’elles, on se rend compte que sa prose est tissée d’alexandrins qui en assurent la rythmique ; Mauriac avait procédé ainsi pour son Sagouin), mais dire cela est très en-deçà de la réalité. Son écriture est un océan de verbe traversé par une houle roulante qui, quand elle aborde à nos rivages de lecteur, éclate en embruns ; on en reçoit de vague en vague les étoiles salées, et on les aspire, et on les boit.
Si je devais donc procéder par comparaison, je dirais que ce livre est un croisement entre l’Ève de Péguy, la Mort à crédit de Céline et les Yeux d’Elsa d’Aragon. Imagine qui pourra !
Ce roman tient les promesses de son titre.
Guillaume de Lacoste Lareymondie