- Edith Stein, Malgré la nuit (Poésies complètes), Ad Solem, 2002, 176 pages, 15 euros. Édition bilingue. Traduction française de Cécile Rastoin (sœur Cécile de Jésus-Alliance, Carmel de Montmartre)
Ce petit volume dévoile un aspect méconnu et pourtant essentiel de sœur Thérèse Bénédicte de la Croix. Loin de la puissante rigueur de ses écrits théologiques, détachée du souci de faire œuvre de littérature, ce sont ses prières qu’elle nous offre, son cœur de carmélite.
« Le Grand Dieu lui-même vient chez la pauvre enfant. Est-ce donc possible qu’il se plaise chez moi ? » (p. 15)
Les poèmes d’Edith Stein, que ce livre réunit pour la première fois, sont des œuvres de circonstance, composées à l’occasion de fêtes religieuses, de vœux, d’anniversaires, et la plupart selon une prosodie très classique. En matière de style, ils ne présentent rien d’exceptionnel. Pour autant que j’en puisse juger, l’excellente traduction qui en est proposée ici parvient à rendre le meilleur de l’original. Mais l’intérêt de ces textes est ailleurs. Tous portent la marque de la sincérité ; et la sincérité d’une sainte est un trésor. Partout éclosent la profondeur de la contemplation, la délicatesse de l’attention, la vérité de la Foi, la beauté du mystère, la force de l’adoration.
« Mais le rayon céleste ne laisse pas en repos. Ce qui fut éclairé doit offrir sa clarté. » (p. 161)
Plusieurs thèmes reviennent de poème en poème : la Vierge Marie, la Croix, l’amour divin, le temps des tribulations, le petit reste des fidèles. Ces motifs sont bien ceux du Carmel, et il est frappant de voir combien Edith Stein les a faits siens et avec quelle force ils vivent en elle.
« Mon Seigneur et mon Dieu, tu m’as guidée sur un long chemin obscur, pierreux et dur. » (p. 21)
De nombreux textes aussi laissent sentir la violence de la persécution national-socialiste. Celle-ci apparaît alors sous l’image eschatologique du déferlement du mal, et s’ouvre sur un appel au jugement dernier.
« Et des temps sont venus où la puissance des ténèbres a extirpé la foi des cœurs, a fait pâlir l’étoile de l’espérance et se refroidir l’ardeur de l’amour. Le petit reste de fidèles ne cesse de s’amoindrir et Tes demeures sont désertées. » (p. 73)
« Le Seigneur foule le pressoir et son vêtement est rouge écarlate. Il balaie avec un balai de fer toute la terre avec puissance. » (p. 53)
Malgré cela, « malgré la nuit », ce qui se dégage de ces poèmes, c’est une confiance immense dans le Sauveur, un amour sans partage pour lui, un don total à la Trinité. Toute la poésie d’Edith Stein rayonne de joie de bout en bout. Ce livre est en vérité une invitation à la prière de sainte Thérèse Bénédicte de la Croix.
« Bénis le dur accablement de ceux que la souffrance oppresse, et la solitude pesante des âmes en leur profondeur, ce tréfonds des êtres humains qui ne connaît pas le repos, et cette souffrance qu’une âme ne peut confier à l’âme sœur. Bénis aussi cette cohorte de violents et d’exaltés qui n’ont pas peur des voies inconnues et de leurs ombres inquiétantes. Bénis la détresse de ceux qui agonisent en cet instant. Accorde-leur, Dieu de bonté, une fin paisible et heureuse. » (p. 57)
Guillaume de Lacoste Lareymondie