- Henri Le Bal, Langues de glace (Poèmes), L’Âge d’Homme, 2002, 160 pages
Ce volume rassemble trois recueils d’Henri Le Bal sur le thème de la Passion : « Passion », « Vendredi Saint » et « Les Larmes de Pierre ». Tour à tour, un reporter athée qui serait chargé de couvrir l’événement du chemin de croix, Pilate, Judas, Pierre, Ève livrent les mouvements de leur cœur dans des poèmes magnifiques. Allitérations et assonances se suivent dans un rythme ample et soutenu, pour porter des images fulgurantes :
« Je
ne vois qu’un corps sans décors,
Un front sans
simulacre
Qu’un sale sang âcre désacre,
Que
la sue déshonore. » (p. 102)
Ces poèmes gravitent autour d’une interrogation fondamentale : « Si le Verbe s’est fait chair, si la parole de Dieu s’est retirée du monde sur une croix, est descendue aux enfers et est ressuscitée, qu’est-ce que la littérature ? » (p. 121) De la dénomination première des créatures par Adam à la réconciliation des langues lors de la Pentecôte, en passant par la voix intérieure qui appelle Judas à revenir à Dieu, la Parole est au centre de l’histoire humaine. Ces poèmes veulent en être le témoignage.
Henri Le Bal n’hésite pas à forcer le français, à créer ses mots : ainsi fait-il pleinement œuvre de poète. Et il a le talent, dans cet exercice difficile, de rester toujours intelligible. Plus encore, la théologie qui sous-tend ses poèmes est d’une remarquable exactitude. Jamais Henri Le Bal ne sacrifie la vérité du sens au plaisir de la formule. Au contraire, s’il se forge une langue propre, c’est pour mieux être précis, percutant, vrai.
C’est ainsi une poésie forte, intense, lyrique, que celle d’Henri Le Bal. Une poésie qui ouvre à la contemplation du mystère de la Rédemption.
Guillaume de Lacoste Lareymondie