- Francis Jammes, Le Pèlerin de Lourdes, Hora Decima, 2005, 128 p., 15 €
Heureuse réédition d’un petit roman plein de saveur. Ceux qui ne fréquentent pas la poésie auront peut-être une réticence devant le nom de Francis Jammes. Qu’ils ne s’y arrêtent pas et qu’ils ouvrent ce livre avec confiance.
Notre époque s’est déshabituée d’aimer la poésie. Trop d’auteurs ont cru que leur œuvre était de tout se permettre et qu’il incombait au lecteur de pénétrer leurs élaborations. Mais la poésie n’est pas le verbe créateur, elle ne vise ni à révéler un individu ni à être l’expression toujours singulière — volontiers bizarre — d’un poète élevé au rang de démiurge ; elle est la parole d’un homme qui tente de dévoiler une part d’universel par la musique de la langue — rien de plus, rien de moins.
De même que la mauvaise monnaie chasse la bonne, la prolifération d’une poésie abstruse et ésotérique a éclipsé la persistance de poètes qui parlent au cœur. Parmi les récents, je citerai, pour mémoire et sans ordre : Xavier Grall, Marie-Pascale Jégou, Patrice de la Tour du Pin, Jean-Claude Renard, Maurice Fombeure, Philippe Delarbre, Léopold Senghor, Aimé Césaire, René Depestre… Francis Jammes compte parmi ceux-là, même s’il les précède de quelques décennies.
Que dire de ce roman ? Il est écrit avec bonheur et sa prose vaut celle des plus grands. La préface de cette édition, à juste titre, place François Mauriac dans la filiation de Francis James. En matière d’écriture, il vient en tous cas dans la ligne de Gustave Flaubert : même style clair, précis, au ras des choses, et pourtant chargé d’évocations.
L’action est simple : un pèlerin, Jean Escuyot, se rend à Lourdes à pied. Il vient y prier la Vierge pour la guérison d’une infirme qu’il héberge. Puis il s’en revient.
Le charme de ce récit tient à sa profondeur, et ses péripéties sont intérieures. Francis James ne propose pas tant de suivre un personnage qu’une âme, une âme sainte. Le lecteur reconnaît Lourdes, sa foule, sa laideur — le tableau, malgré un siècle de distance, n’a rien perdu de son actualité — ; mais il découvre, en suivant le pèlerin de Francis James, quelle ferveur est possible dans ce fatras, quelle ferveur est la cause même de ce fatras. La leçon spirituelle est immense. À l’opposé des esthètes dégoûtés et des esprits piqués de raffinement qui dédaignent un sanctuaire saturé de mauvais goût, Francis James s’en remet au seul message de la Vierge : Dieu aime les hommes, Il se rend accessible à eux, Il les rachète de leur péché et Il les sauve en les orientant vers Lui. Faut-il ajouter que le reste n’est que littérature ?
En tous cas, ce petit roman constitue une magnifique introduction au pèlerinage de Lourdes et prédispose à y recevoir les grâces si abondantes propres à ce site populaire où Dieu a choisi de manifester son amour pour sa mère.
Guillaume de Lacoste Lareymondie